Patagonia : le choix audacieux de la transparence totale pour son rapport RSE 2025
Analyse du "Progress Report 2025" de Patagonia sorti le 13 novembre dernier, un rapport qui mise sur une transparence radicale et assume ses paradoxes. Un décryptage des limites, des prises de parole internes et des enseignements à retenir pour la communication RSE. Un éclairage précieux pour comprendre ce nouveau standard de sincérité dans le secteur.
RSE
11/26/20257 min read


Le 13 novembre, Patagonia a publié son Progress Report 2025 : un document dense de 154 pages faisant office de rapport RSE. Le résultat aurait pu être indigeste, mais Patagonia nous surprend (encore!) avec sa façon bien à elle de casser les codes.
Là où la majorité des marques publient des bilans élégants, orientés vers leurs réussites, Patagonia prend le contre-pied. La marque outdoor dévoile pour la première fois des données chiffrées détaillées sur l’ensemble de ses impacts environnementaux et sociaux — y compris les chiffres qui ne sont pas à son avantage.
Ce rapport revient aussi sur les engagements annoncés en 2015, lorsque Patagonia avait défini une feuille de route ambitieuse en matière d’empreinte carbone, de matériaux durables et de conditions sociales. Dix ans plus tard, la marque fait le bilan : ce qui a fonctionné… et tout ce qui a échoué.
On y retrouve également une dimension symbolique forte : depuis 2022, la Terre est devenue l’unique actionnaire de Patagonia. Les bénéfices non réinvestis sont désormais reversés à la protection de l’environnement via le Holdfast Collective. Le rapport 2025 est donc le premier publié sous cette nouvelle gouvernance, renforçant l'enjeu de cohérence entre valeurs déclarées et actions mesurées.
Dès les premières pages, le ton est clair : Patagonia ne cherche pas à se mettre en scène, mais à exposer sans filtre ce qu’une entreprise engagée peut — et ne peut pas — faire aujourd'hui.
Un document loin du "green storytelling" habituel mais avec le ton audacieux et cynique que l'on connait de la marque Patagonia.
1. Un rapport à contre pied: transparence, vulnérabilité et méta-communication
Contrairement aux rapports RSE classiques, le document de Patagonia ne déroule pas simplement des indicateurs et des engagements vertueux. Il ressemble davantage à un récit critique : un partage d’apprentissage, d’erreurs, et de remise en question, d'ailleurs le titre est très bien choisi : "Progress Report 2025", rappelant que le chemin du progrès n'est jamais terminé.
Un rapport sans fard
Patagonia annonce d’emblée que certains de ses objectifs ne sont pas atteints. Par exemple, plusieurs programmes bas-carbone prennent du retard, certaines filières de matériaux recyclés restent insuffisantes, et l’impact global de la marque a augmenté avec sa croissance.
Plutôt que de masquer ces difficultés, Patagonia les détaille. Cette démarche est rare. Elle montre que la transparence vient aussi du courage d’assumer la complexité des sujets écologiques.
Un rapport “incarné” grâce aux témoignages d’employés
La nouveauté la plus marquante du rapport : les vidéos où des salariés répondent eux-mêmes aux critiques souvent adressées à la marque.
Questions sur le prix des produits, sur le fait de continuer à produire malgré les impacts, ou encore sur la pertinence de leur communication : Patagonia ne les esquive pas.
Cette façon de “faire parler” ceux qui travaillent dans les équipes RSE, achats, chaîne d’approvisionnement ou design :
humanise le rapport,
casse la distance entreprise/public,
montre que les tensions éthiques sont débattues en interne,
évite la communication descendante habituelle.
Un format presque “éditorial”, où l’entreprise se met volontairement en position d’être contredite.
La transparence comme acte politique
En révélant autant d’éléments sensibles, Patagonia rappelle implicitement qu’il est impossible d’être une entreprise parfaitement durable… mais qu’il est possible d’être parfaitement honnête. Le rapport cherche à ouvrir un espace de discussion : comment avancer quand on sait que produire reste un acte à impact ?
2. Des résultats nuancés : progrès réels, limites assumées
Patagonia reste un pionnier : sur les matériaux recyclés, l’allongement de la durée de vie des produits, l’investissement dans la réparation et le reconditionnement, les dons à l’activisme environnemental, la transparence sociale dans la chaîne d’approvisionnement.
Mais le rapport montre aussi que la marque n'échappe pas aux paradoxes du secteur textile.
Des chiffres encourageants… mais pas suffisants
Certaines métriques témoignent d’avancées solides : réduction partielle des émissions carbone opérationnelles, augmentation du pourcentage de matériaux recyclés, amélioration des performances sociales dans plusieurs usines partenaires, redistribution de 98% de son CA pour la Terre. Patagonia reste une référence technique en produits durables.
Des impacts qui augmentent aussi
Là où Patagonia marque un tournant, c’est dans l’explication de ses limites : malgré les efforts, son impact global augmente, car la marque continue de croître. Produire davantage, même mieux, reste produire.
Cette honnêteté est rare dans un secteur qui préfère souvent “verdir” sa croissance plutôt que la questionner.
Les tensions internes mises à jour
Le rapport reconnaît également que certaines décisions créent des contradictions :
maintenir la qualité tout en réduisant l’impact,
produire suffisamment pour rester rentable tout en limitant les volumes,
investir dans des innovations bas carbone qui prennent des années à se déployer.
Patagonia admet même que certains engagements pris il y a dix ans étaient trop ambitieux au regard de la maturité des technologies disponibles.
Cette autocritique donne au rapport une profondeur inhabituelle : on comprend que même pour un leader engagé, le chemin reste long et semé de dilemmes.
3. Un format inédit : récit, réflexivité et ouverture au débat
Au-delà des résultats, c’est la forme du rapport qui impressionne et permet de lire "facilement" les 154 pages chiffrées du document. Patagonia transforme un document technique en objet narratif, grâce notamment à de nombreuses photos, à des annotations manuscrites ou des slogans évocateurs.
Une écriture presque littéraire
Le rapport est rédigé comme un récit d’apprentissage collectif. On y retrouve :
des réflexions sur les échecs,
des débats internes,
des retours d’expérience,
des positions assumées face à des enjeux complexes.
La marque ne cherche pas à imposer une vérité mais à raconter un parcours.
Une communication qui s’expose elle-même
Patagonia reconnaît que, malgré son discours militant, elle reste une marque. Et qu'il existe une tension permanente entre :
inspirer,
ne pas moraliser,
ne pas tomber dans l’auto-congratulation,
rester exemplaire sans mentir sur ses limites.
Le fait de “montrer les coulisses” de cette tension constitue l’un des aspects les plus innovants du rapport.
Un rapport ouvert, presque participatif
En donnant la parole aux employés, Patagonia reconnaît que l’expertise est plurielle et que la transition environnementale est un sujet collectif.
Ce format inédit, qui correspond à la lignée éditoriale de la marque ces dernières années, crée un sentiment de proximité avec le lecteur et profondément humain : on n’a pas l’impression de lire un document corporate, mais d’entrer dans un atelier où l’on réfléchit ensemble.
4. Les grands enseignements à retenir
Au-delà du cas Patagonia, ce rapport propose plusieurs enseignements utiles pour toutes les organisations — petites ou grandes — qui souhaitent renforcer la pertinence et l’authenticité de leur communication RSE.
1. La transparence crée de la crédibilité
Parler des réussites et des limites est bien plus puissant qu’un discours parfait.
Les consommateurs et les citoyens savent que la perfection écologique n’existe pas. Ils attendent des preuves, pas du marketing.
2. Donner la parole aux équipes renforce la confiance
L’intervention de salariés rend la démarche authentique. Ils incarnent le sujet.
Cela peut inspirer les entreprises à ouvrir leurs rapports : interviews, coulisses, méthodologie, questions-réponses, lectures internes critiques.
3. Raconter un chemin plutôt qu’une performance
Patagonia ne dit pas “nous sommes exemplaires”.
Elle dit “voici ce que nous apprenons, voici ce que nous cherchons à faire”.
C’est beaucoup plus crédible.
4. Accepter les paradoxes est un marqueur de maturité RSE
Une entreprise peut vouloir réduire son impact tout en restant viable économiquement.
Assumer cette tension — au lieu de la cacher — est une forme de transparence qui peut inspirer.
5. La communication RSE n’est pas un exercice esthétique
Un rapport utile ne doit pas seulement être beau : il doit être instructif, sincère, et permettre au lecteur de comprendre les dilemmes, les choix, les limites.
Patagonia en fait la démonstration.
6. L’honnêteté est plus virale que le storytelling parfait
Dans un monde saturé de messages, les prises de parole qui assument leur vulnérabilité marquent davantage.
Le rapport 2025 le prouve : c’est sa franchise — presque brutale — qui crée l’intérêt.
Conclusion — Un nouveau standard pour les rapports RSE ?
Le Progress Report 2025 de Patagonia n’est pas un rapport comme les autres.
Il ne cherche pas à impressionner : il cherche à dire la vérité.
Une vérité complexe, parfois inconfortable, mais essentielle dans un contexte où les accusations de greenwashing augmentent et où les réglementations exigent davantage de preuves.
En publiant un rapport aussi introspectif, Patagonia pose une question fondamentale à toutes les entreprises :
“Êtes-vous prêtes à montrer votre réalité, même lorsqu’elle n’est pas parfaite ?”
Le document rappelle aussi que la transition écologique ne se résume pas à des chiffres.
C’est une histoire de choix, de compromis, de tensions, de discussions internes, d’essais, d’erreurs, et de responsabilités.
Patagonia n’est pas parfaite.
Mais elle montre ce que peu d’entreprises osent faire :
ouvrir les coulisses, dire les choses telles qu’elles sont, et inviter le public dans son questionnement.
Un acte de communication rare.
Un geste politique.
Et peut-être, un tournant dans la manière dont les entreprises raconteront leur impact demain.
👉 Pour découvrir le "Progress Report 2025 de Patagonia c'est par ici !














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